Le masque applique de Blicquy a été découvert en 2003 dans l’enceinte d’un sanctuaire romain au lieu-dit « Ville d’Anderlecht » (Leuze-en-Hainaut). Il appartient plus précisément à la première phase d’aménagement d’un complexe religieux dont l’abandon se situe entre la fin du l » siècle et la première moitié du IIe siècle de notre ère. Cette occupation romaine originelle, établie sur un ancien lieu de culte gaulois, se caractérise par la présence d’un premier temple à simple cella accompagné d’un aménagement cultuel boisé artificiel particulièrement original, lequel se rattache à la tradition des bois sacrés décries dans les sources antiques.

Le masque, réalisé par moulage et à la cire perdue, présente le visage glabre d’un homme dans un style peu conventionnel, relevant d’une esthétique celte. La stylisation de ses traits et l’hiératisme de l’œuvre sont ici renforcés par l’ajout aux grands yeux disproportionnés d’iris en amande en pâte de verre, dont seul l’exemplaire gauche est demeuré en place. Le percement au sommet du crâne et les méplats de part et d’autre du cou sont les indices d’une probable fixation sur un support telle une âme de bois. Ni la localisation ni le contexte de la pièce ne permettent cependant d’en déterminer la nature. Ils n’en attestent pas moins son utilisation dans le cadre d’une pratique de devotio ou de votum, bien qu’on ne puisse le rattacher à une divinité précise ni à une figuration héroïsée.

Le style relativement homogène de la vingtaine de représentations anthropomorphes comparables en Europe, bien que d’époque romaine, puise de toute évidence son inspiration dans l’art celtique. Très peu sont précisément documentés et attribuables à un contexte cultuel déterminé, voire précisément datables, contrairement à l’exemplaire de Blicquy qui, en outre, est le seul à être fondu à la cire perdue. Les autres œuvres sont en effet produites par déformation plastique et éventuel assemblage. Par ses qualités esthétiques aux réminiscences celtes, son état de conservation remarquable et son association chronologique à un contexte romain précoce pour le moins original et exclusivement dédié aux pratiques rituelles, le masque de Blicquy constitue un exemple étonnant rare de syncrétisme celto-romain. Aussi témoigne-t-il d’une nouvelle identité culturelle en phase avec la romanisation de nos régions dès le début du Haut Empire, établissant un double lien avec l’histoire et l’histoire de l’art.

ÉVELYNE GILLET ET LAURENT VERSLYPE